Qu’est-ce qui vous a poussé vers le métier d’architecte d’intérieur ?
Gamine, je me suis beaucoup ennuyée et mes parents ne voulaient pas à tout prix remplir mon agenda. Ce fut une très bonne chose. Merci mes parents ! J’ai donc beaucoup joué dehors, dans le jardin. Je contemplais beaucoup la nature. Je pouvais passer des heures à regarder un escargot. Et je crois que cela a développé cette créativité que j’ai maintenant en moi. Cela m’a permis d’aiguiser également le sens de l’observation. Aussi, je transformais déjà ma chambre dans tous les sens, je coupais mes meubles. J’avais des Kewlox donc c’était très facile à l’époque (rires). Je m’amusais déjà avec du papier peint, que je découpais et que je faisais continuer sur les plafonds. J’avais déjà ça en moi.
Il y a eu un déclic aussi de confiance en soi, c’est le fait d’avoir gagné gamine, un concours de dessin. Je ne pensais jamais gagner et j’y suis parvenue. Je me suis dit alors que j’avais peut-être des talents dans ce domaine.
Une fois que j’ai commencé ma formation à l’Académie des Beaux-Arts, je suis allée à la bibliothèque et me suis formée sur la couleur. J’ai aussi eu un prof fascinant, qui m’a transmis sa passion.
La lumière théâtralise véritablement l’architecture d’intérieur. Sandrine Devos
En quoi consiste une étude de couleurs?
Je vais sur place (chez un privé ou un professionnel). Je prends soin d’écouter les besoins des gens, je fais très attention à l’histoire du bâtiment, à l’orientation de la maison. Je travaille en 3D: la couleur dans l’architecture. Je crée des jeux de passage de couleurs sur les différents plans de la maison et afin d’obtenir des intérieurs beaucoup plus ronds.
On choisit les couleurs sur place en fonction d’un matériau existant ou futur, des contraintes présentes, d’un mobilier qui va arriver. On doit vraiment faire attention au patrimoine, au contexte et aux fonctions des pièces. On ne fait pas la même chose dans un salon, dans une salle à manger ou dans un restaurant.
Un bon coloriste dose et connaît la psychologie des couleurs, l’effet de la couleur sur l’homme.
En tant que designer coloriste, quelle place occupe la lumière dans votre travail ?
La lumière est majeure dans mon travail, fondamentale. J’y passe beaucoup de temps, c’est un peu la cerise sur le gâteau.
Dans mes rénovations ou pour la réalisation d’une annexe, je sais que la lumière, on va la chercher sur la hauteur des châssis. J’essaie de ramener la lumière au maximum par une source zénithale, avec des puits de lumière notamment quand il n’y a pas d’autres solutions. Par exemple, dans une maison dont la façade était classée, le client était fort sceptique mais le puits de lumière a amené une luminosité de fou dans une salle de bain.
L’entrée de lumière naturelle extérieure qui vient du haut, fait partie des premiers jobs. Nord, ouest, sud… elles sont toutes intéressantes ! La lumière du nord, par exemple, apporte une lumière bleutée plus dynamisante. Elle tonifie, elle est agréable et évite la surchauffe de la pièce. Pour un lieu de travail, c’est plus intéressant. L’idéal, c’est de pouvoir profiter de tous les types de lumières à différents moments de la journée.
La lumière c’est une des premières choses auxquelles on pense mais il faut avoir l’esprit en éventail. Une maison, c’est une entité, il doit y avoir une cohérence globale. Il faut rester ouvert à d’autres aspects : les meubles sur mesure, le concept (raconter une histoire), le projet en tant que tel, l’éclairage artificiel (décoratif) qui ont un impact au niveau du décorum du projet …
Ensuite, on envisage l’éclairage dans sa globalité: variation dans un même intérieur, éclairage décoratif, d’accentuation, fonctionnel pour mettre en valeur une oeuvre d’art par exemple, balisage de lumière ... La lumière théâtralise véritablement l’architecture d’intérieur.
L’éclairage artificiel évolue beaucoup. On trouve aujourd’hui des éclairages qui peuvent pallier à un manque de lumière naturelle avec des variateurs qui simulent le lever du jour, la fin de journée, pour générer la production de mélatonine qui aide à bien dormir la nuit.
Qu’apporte la lumière dans les projets d’architecture d’intérieur, de manière générale?
Elle apporte beaucoup. Pour visualiser cet apport, j’ai fait faire par mon menuisier une boîte à lumière pour mes séminaires.
Si j’éclaire un rouge avec une lumière trop froide (bleutée), je vais grisonner mon rouge. Si je veux, par contre, mettre en valeur mon “rouge”, je dois l’éclairer avec de la lumière très chaude. Là, on travaille avec la température de lumière qui se mesure en degré Kelvin. Paradoxalement, plus on descend en température, plus c’est chaud :
Attention quand on fait un choix dans un showroom, d’un carrelage par exemple, on a parfois de mauvaises surprises quand il est posé à cause de l’éclairage. Simplement en changeant la source de lumière, on résout le problème.
C’est important de jongler avec des différences de températures de lumière en fonction de ce qu l’on fait. Je suis en mode “je fais le ménage”, je fais “claquer les lux”. Je recherche un éclairage tonifiant. Au contraire, je suis à l’apéritif avec des amis. Là, j’allume mes éléments d’accentuation, je “dimme” mon éclairage et j’allume une lampe d’appoint pour la convivialité.
C’est le bonheur de pouvoir moduler ! Dans ma maison qui est à moitié enterrée, j’ai installé une fenêtre pour toit plat 120x120cm au-dessus d’une dalle de verre, elle-même située au-dessus d’une pièce aveugle. La journée, la lumière zénithale éclaire la pièce aveugle en dessous et le soir, j’ai prévu un éclairage led en périphérie au niveau de la dalle en dessous qui amène la lumière en bas et en haut.
Sur votre site Internet, on lit : « un espace bien élaboré, éclairé et coloré peut vraiment changer la vie ». Pourriez-vous nous donner un exemple concret de vos réalisations qui illustre cette phrase ?
Une famille m’a un jour demandé d’intervenir avec un petit budget, donc pas de gros travaux. On a d’abord beaucoup enlevé. Nous, occidentaux, avons tendance à surcharger nos intérieurs avec le fameux “ça peut toujours servir”. Nous avons fait de la place pour l’humain et la vie (de famille). Trop il y en a, moins on en voit. On garde cependant les objets qui nous font plaisir.
Ensuite, nous avons réalisé pour ces clients une bonne étude de couleurs et d’éclairage (pas forcément onéreux mais corrects).
Quelque temps après ce travail, j’ai reçu un courrier de ces clients qui me disaient : “Depuis que tout ce que vous avez prescrit est fait, nous sommes plus heureux dans notre maison”.
Qu’est-ce que la lumière naturelle apporte à la couleur, que la lumière artificielle n’apporte pas ?
Les UV (lumière naturelle) peuvent abîmer mais, à part cet aspect, la lumière extérieure est parfaite : on a tout le spectre au fil de la journée.
Comment créer l’harmonie entre la lumière (naturelle) et les couleurs ? Est-ce qu’il y a des principes de base à respecter ?
Toutes les couleurs sont bonnes. Une palette large dans toute la maison afin de puiser toutes les énergies des couleurs, ça c’est top ! On les utilise alors en fonction de ses besoins: prendre de l’énergie ou au contraire, se détendre.
Le choix de couleur se définit par un besoin, une fonction, un problème de volume (pièce trop longue, trop haute). La lumière et la couleur sont des outils formidables. Il faut savoir par exemple qu’une lumière bleue est dynamisante alors qu’une couleur bleue (froide) va être relaxante (réduction du rythme cardiaque). Une couleur chaude mange le volume, une couleur froide recule dans l’espace. Vous regardez la nature: un ciel bleu, c’est l’infini tandis que si c’est un coucher de soleil (rouge, orange, couleurs chaudes, flamboyantes), vous avez l’impression de pouvoir prendre ce soleil dans vos mains.
Il faut aussi pouvoir proposer un travail intemporel car, dans le privé, on ne repeint pas tous les 3 ans. Dans une pièce située au nord, toujours froide, j’ai tendance à conseiller une couleur chaude et inversement. Mais toute la pièce ne doit pas être traitée dans cette même ambiance nécessairement. Dans l’absolu, je pense qu’un intérieur privé doit être traité dans une atmosphère chaleureuse mais ce n’est pas pour ça qu’on ne peut pas se permettre un mur d’une couleur froide. Ex: Un mur bleu électrique éclairé par une lumière 4000°Kelvin va être magnifique.
Je dois parfois argumenter pour que le client ose. Par contre, pendant les 3 jours de séchage, vous n’écoutez pas les ados qui passent, la belle-mère qui donne son avis… On fonce ! C’est quand tout est fait que mon travail prend tout son sens.
Quelles sont les tendances aujourd’hui ?
La tendance est au led et à se débarrasser de l’halogène, par souci écologique et économique notamment. Le résultat peut être épouvantable or aujourd’hui, on trouve de très bonnes qualités de led un peu plus chères mais il vaut mieux attendre pour s’offrir la qualité. Je dis toujours à mes clients : “Si vous n’avez pas les moyens, laissez le soquet et l’ampoule jusqu’à pouvoir acheter le bon luminaire.” Une bonne qualité de lumière (pas trop jaune), par exemple dans des bureaux ou dans des classes, va augmenter la concentration et le facteur de réussite. C’est ultra important ! Le choix de l’éclairage, c’est aussi une question de santé.
Comment faire pour bien choisir son éclairage ?
On regarde l’indication sur l’emballage. Souvent, on lit: 830, 827 ou encore 840. Quand on ne sait pas, on choisit “830” :
Avez-vous quelques derniers conseils pour ceux qui veulent rénover leur maison et favoriser l’apport de lumière avec la couleur ?
Merci à Sandrine DEVOS pour ses conseils, son éclairage sur l’interaction entre la lumière (naturelle ou artificielle) et les couleurs et sa disponibilité.
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